Protéger
Un des derniers volets de la politique de prévention des inondations est celui de la protection. Cela consiste à réduire l’aléa, en privilégiant des rétentions dynamiques plutôt que le recours aux travaux lourds que sont les digues et barrages.
L’intervention sur les cours d’eau n’est pas sans conséquences sur l’environnement et peut aggraver, dans certains cas, les inondations à l’aval. Aussi est-il important, en premier lieu, de comprendre le fonctionnement d’un cours d’eau afin d’adapter les solutions à mettre en œuvre, pour limiter les impacts négatifs tout en préservant au maximum son fonctionnement naturel.
Le cours d’eau : un milieu naturel et dynamique
Le cours d’eau évolue dans un réseau hydrographique propre à chaque bassin versant dont les actions anthropiques (actions humaines de type agriculture, urbanisation, digue…) influent sur son apparence et son fonctionnement.
Pour bien comprendre le phénomène d'inondation et l’interdépendance de certains paramètres, quelques explications techniques sont nécessaires.
Bassin versant
En premier lieu, il y a la notion de bassin versant.
C'est une aire géographique d’alimentation en eau. L’exutoire est le point le plus en aval du réseau hydrographique (cours d’eau principal et affluents), par lequel passent toutes les eaux de ruissellement drainées par le bassin versant.
Le bassin versant est caractérisé par les paramètres suivants:
- Sa surface mesurée en hectare ou en km², ex : le bassin versant du Gardon à Alès : 315 km².
- Sa longueur mesurée en mètres ou en kilomètres, ex : le Gardon à Alès : 49 km de sa source à Alès.
- Sa pente exprimée en pourcentage, ex : le Gardon à Alès : 1.89 % et au Pont du Gard 0.84 %. Attention : une pente est considérée comme forte dès qu’elle se situe entre 0.5 et 1% et une pente faible est comprise entre 0.01 et 0,5 %.
- Son temps de concentration, c’est le temps que met une goutte d’eau à parcourir la longueur du bassin. Il s’agit du temps minimum que doit durer une pluie pour que l’ensemble du bassin réagisse. Il s’exprime en heure. Cela peut varier fortement de quelques jours (cas des crues lentes du Rhône) à quelques heures, cas le plus fréquent dans le Gard pour tous les autres cours d’eau dont la cinétique est qualifiée de cours d'eau à montée rapide (souvent moins de 6 heures).
- Son coefficient de ruissellement exprimé en %. Il définit la partie de la pluie qui va ruisseler et rejoindre le réseau hydrographique.
Regardez dans quel bassin versant (BV) se situe votre commune et téléchargez la fiche du BV
Le réseau hydrographique
Le réseau hydrographique correspond à l’ensemble des parcours possibles de l’eau, qu’ils soient en surface (cours d’eau principal et ses affluents) ou souterrains (phénomène karstique).
Les caractéristiques physiques d’un cours d’eau sont : sa pente, la géométrie de son lit mineur et majeur et sa rugosité (caractérise la résistance à l’écoulement qu’opposent les parois d’un cours d’eau en fonction de sa structure physique). La rugosité permet de freiner la vitesse d’écoulement.
Le cours d'eau
C’est un milieu vivant dynamique. Il ne transporte pas que de l’eau mais également des graviers, du sable, des galets…
Les caractéristiques physiques d’un cours d’eau sont sa pente, la géométrie de son lit mineur (partie contenant les crues non débordantes), lit moyen (contenant les crues débordantes les plus fréquentes qui façonnent la rivière) et lit majeur contenant les crues rares voire exceptionnelles (cela correspond à la zone inondable maximale qualifiée d’enveloppe hydrogéomorphologique) et sa rugosité (caractérise la résistance à l’écoulement qu’opposent les parois d’un cours d’eau en fonction de sa structure physique).
Tous les cours d’eau doivent adapter leur morphologie (largeur, profondeur, pente du lit, sinuosité…) pour assurer le transit optimal des substances liquides et solides. Il s’agit d’un ajustement permanent. Le cours d’eau va méandrer pour rechercher en permanence un certain équilibre entre transport solide et liquide.
Si les conditions d’apport en matériaux sont modifiées (boisement, modification de la pente du fond du lit due à un curage ou un seuil, création de barrage…) ou bien si des extractions de granulats sont réalisées dans le lit sans réflexion préalable (extraction supérieure à ce que la rivière transporte naturellement), il y a alors un déséquilibre entrainant l’érosion (ou incision) du lit et des berges pouvant impacter les inondations.
Les conditions d’un bon fonctionnement d’un cours d’eau c’est non seulement de ne pas interférer sur son hydrologie (éviter les seuils, barrage ..) mais aussi maintenir les différents faciès pour permettre à la rivière de charger et déposer ses matériaux, ralentir la dynamique des crues ("casser la vitesse") et favoriser la biodiversité (poissons, végétaux, flore..).
Les différents facies d’écoulement d’un cours d’eau :
Si pendant des années, les avancées technologiques nous on fait croire que l’homme pouvait tout maîtriser, il apparait maintenant nécessaire de réorienter les actions vers celles qui s’attachent à préserver un équilibre naturel du cours d’eau.
Privilégier la rétention, l’expansion des eaux et la réduction des vitesses
Si au cours du siècle dernier, la technicité a incité à des pratiques « interventionnistes » type chenalisation, curage, enrochement..., les résultats catastrophiques engendrés tendent à inverser strictement la tendance. Désormais l'accent est mis sur des pratiques « douces » respectueuses du fonctionnement naturel des cours d’eau telles que: les espaces de mobilités des cours d’eau, le reméandrage, la végétalisation des berges….
C’est tout le sens des rapprochements entre la politique de prévention des risques (via la Directive Inondation) et celle de l’eau avec la Directive Cadre sur l'Eau (DCE) au travers notamment des SDAGE et SAGE dans lesquels est inclue une Orientation Fondamentale spécifique consacrée aux inondations: "Augmenter la sécurité des populations exposées aux inondations en tenant compte du fonctionnement naturel des milieux aquatiques".
Cette orientation fixe des dispositions à prendre en compte afin de concilier les objectifs de prévention des inondations prévus par la SNGRI et ceux liés à la préservation qualitative et quantitative des cours d’eau inscrits au SDAGE. Les dispositions, au nombre de 12, s’attachent à agir sur les capacités d’écoulement des cours d’eau (préservation des champs d’expansion des crues, recherche de nouvelles capacités d’expansion des crues …), prendre en compte les risques torrentiels (stratégie de gestion des débits solides) et l’érosion côtière du littoral.
Agir sur l’espace de mobilité des cours d’eau et les zones d’expansion des crues
L’espace de mobilité ou de liberté d’un cours d’eau correspond à l’espace où se déplace le lit du cours d’eau venant prendre ou déposer des graviers et sédiments...Il intègre également les chenaux ou bras secondaires qui se créent en cas de fortes crues, ainsi que les zones d'expansion des crues (ZEC)
Ces espaces sont à protéger, voire restaurer pour améliorer l’équilibre global de la rivière et freiner la dynamique des crues.
Véritable régulateur naturel des crues, la zone d’expansion des crues peut contenir jusqu’à 15 000 m3 d’eau par hectare. Quelques exemples de ZEC la plaine de la Gardonnenque, celle de Pujaut ou encore celle de Jonquières Saint Vincent.
Les Etablissements Publics Territoriaux de Bassin (EPTB) ont conduits des études pour mieux connaitre ces espaces de mobilité (divagation) des cours d’eau, afin de les maintenir voire de les reconquérir.
Exemples espace de mobilité, restauration physique de cours d'eau.
Revitalisation du Vistre au moulin de Villard
Un programme de revitalisation commencé il y a 20 ans
Entretenir les cours d'eau
Au-delà de la restauration des espaces de mobilité, c’est l’entretien raisonné et courant des cours d’eau qui joue un rôle important sur les inondations en limitant la dynamique (vitesse) des crues, les embâcles tout en préservant le bon fonctionnement de la rivière.
Si l’entretien des cours d’eau incombe aux propriétaires riverains (Article 215-4 du Code de l’Environnement), la collectivité, en cas de défaillance, peut se substituer via un plan de gestion établi à l’échelle du bassin versant et une Déclaration d’Intérêt Générale (DIG). A noter que dans le Gard, tous les EPTB réalisent l’entretien des cours d’eau principaux en substitution des propriétaires.
Travaux en rivière
Pour être autorisés, les travaux de protection contre les inondations doivent :
- être compatibles avec les objectifs d’atteinte du bon état et avec les orientations fondamentales du SDAGE;
- Respecter le principe de non dégradation soit ne pas nuire au bon fonctionnement des milieux aquatiques.
Les anciennes pratiques (digues, curages, recalibrages) sont interdites et non financées car désastreuses pour le milieu et inefficaces sur le long terme. Seul le déplacement de matériaux est autorisé, lorsque des enjeux, ou des usages, le justifient. Ne pas oublier qu’un bon entretien des cours d’eau concourt directement à la prévention des inondations. Pour en savoir plus sur la réglementation, consultez le site de la Préfecture
Eviter, réduire, compenser
Travaux en rivière: les clés pour réussir son chantier (DDTM 30)
Recourir exceptionnellement aux ouvrages hydrauliques de protection
Dans certains cas, seulement pour protéger des enjeux existants et sous réserve d’une analyse multicritères positive, la création d’un ouvrage hydraulique de protection peut être autorisée. A noter qu'aucun développement à l'urbanisation ne sera possible derrière ces ouvrages. Ils ne sont autorisés que pour protéger l'existant.
Le financement de tels ouvrages est par ailleurs conditionné à :
- la démonstration que le projet s’inscrive bien dans le principe de non dégradation des milieux aquatiques,
- la démonstration de sa pertinence hydraulique, économique et environnementale. Une analyse multicritère (AMC) et/ou analyse coûts /bénéfices (ACB) positive est requise,
- la présentation des dispositions de gestion et d’entretien pérenne de l’ouvrage.
Qu’il s’agisse de la réglementation sur les ouvrages hydrauliques (décret 2015) ou de la création de la compétence GEMAPI(Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations) entrée en vigueur en janvier 2018, le cadre législatif a profondément modifié les conditions de création, d’entretien et de gestion des ouvrages hydrauliques.
Que recouvre la notion d'ouvrage hydraulique ?
Le décret de 2015 distingue 2 catégories :
- Les aménagements hydrauliques : regroupant l’ensemble des ouvrages qui permettent : soit de stocker provisoirement des écoulements provenant d’un bassin, sous-bassin ou groupement de sous-bassins hydrographiques (exemple: barrage écrêteur de crues ou bassin de stockage), soit le ressuyage des entrées d’eau en provenance de la mer.
- Les systèmes d’endiguement : il s’agit ici des digues et autres types d’ouvrages permettant d’assurer la protection d’une zone déterminée.
Pour avoir une vision des principaux ouvrages de protections dans le Gard, consultez la page dédiée.
Quels sont les principaux engagements des gestionnaires d'ouvrages hydrauliques ?
L’autorité compétente en matière de gestion d'un ouvrage de protection, s’engage à veiller au bon état d’un ensemble d’ouvrages (système d’endiguement) assurant la protection d’une zone (zone protégée), pour un niveau d’eau qu’elle détermine (niveau de protection).
L’autorité ainsi en charge de la gestion d’un système d’endiguement protégeant une zone aura donc le choix entre plusieurs options :
- soit maintenir le niveau de protection des digues existantes à son niveau actuel,
- soit abaisser le niveau de protection (ce qui revient à inonder une partie de la zone “protégée” plus fréquemment),
- soit augmenter le niveau de protection (ce qui impliquera de faire des travaux, potentiellement très coûteux),
- soit “neutraliser” l’ouvrage, en le rendant transparent hydrauliquement (laisser passer l’eau). On parle aussi d'effacement de l'ouvrage.
Les principaux apports du décret de 2015
Le décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 réglemente les ouvrages hydrauliques de protection contre les inondations pour garantir leur efficacité et sûreté. Il organise par ailleurs le transfert de la compétence Gemapi. Il s’inscrit dans la continuité de la réglementation concernant les ouvrages Intéressants la Sécurité Publique (ISP) de 2003 et du décret n° 2007-1735 du 11 décembre 2007 : les ouvrages de protection sont aussi des ouvrages de dangers.
Il est complété par un arrêté ministériel, publié le 29 août 2018 au Journal officiel, qui fixe les prescriptions techniques de conception, construction, exploitation et surveillance des barrages en vue d'assurer leur sécurité.
De nouvelles notions importantes ont été introduites notamment le système d’endiguement, la zone protégée et le niveau de protection assigné à l’ouvrage ce qui in fine définit le cadre des responsabilités du gestionnaire de l’ouvrage ou système d’endiguement.
Pour en savoir, plus lisez le guide du CEPRI (Centre Européen de Prévention du Risque Inondation).
Les barrages départementaux écrêteurs de crue
Les barrages départementaux écrêteurs de crue
Le Département est propriétaire de 5 barrages départementauxà vocation principale d’écrêtement des crues construits après les inondations importantes de 1958
Depuis avril 2007, la gestion des barrages est assurée en régie (c'est-à-dire directement) par le Département. La création de la compétence Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations (GEMAPI) et notamment la Loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la GEMAPI a introduit plusieurs éléments de souplesse permettant une mise en œuvre plus rapide et plus efficace, avec la possibilité pour les Départements et les Régions de continuer à exercer certaines missions en accord avec les EPCI bénéficiaires et la possibilité pour ces EPCI d’ajuster plus finement la gouvernance de cette compétence. C’est donc dans ce cadre que le Département a réaffirmé son souhait de maintenir son engagement solidaire en matière de protection contre les inondations. Ceci a donné lieu à des conventionnements avec les intercommunalités et EPTB concernés.
Ainsi, le département a créé un service spécial Service des Grands ouvrages Hydrauliques (SGOH) dédié entièrement à la gestion des ouvrages départementaux. Une équipe de personnes assurent ainsi l’entretien et la maintenance des ouvrages H24 et 7jours/7. En période d'équinoxes (printemps et automne), particulièrement propices aux situations hydrométéorologiques perturbées, des astreintes du personnel sont programmées.
Les barrages de Sainte Cécile d’Andorge et de Sénéchas sont considérés comme des grands barrages ayant à la fois une hauteur supérieure à 20 mètres et un volume de stockage supérieur à 15 millions de m3. Ils font l'objet de mesures de surveillance et d'alerte destinées à faciliter la protection des populations situées en aval et sont soumis à la réglementation des Plans Particuliers d'Intervention (PPI, décret n°2005-1158 du 13/09/2005).
Etabli par le Préfet, le PPI, outil de gestion de crise, permet d’établir des procédures d’intervention de différents acteurs, en cas de survenance d’une défaillance. Plusieurs stades sont prévus pour une montée en puissance graduelle en fonction de la situation. Les maires des communes inclues dans le PPI doivent inclure un volet rupture de barrage dans leur Plan Communal de Sauvegarde (PCS).
Le PPI établit notamment les différents niveaux d'alerte (vigilance renforcée, préoccupations sérieuses, péril imminent) et définit les points de rassemblement des évacués en cas de crise. Le PPI de Sainte Cécile a été approuvé le 30 avril 2013, celui de Sénéchas est en cours de révision.